La Révolution à la poursuite du crime !
Exposition du 18 novembre 2009
au 15 février 2010
Archives nationales
60, rue des Francs-Bourgeois
75003 Paris
Cette exposition (plus de 80
pièces inédites, extraites des fonds judiciaires des Archives
nationales) permet de faire revivre une délinquance ordinaire que les
journées révolutionnaires et les juridictions extraordinaires ont
rejetée dans l’ombre.
En effet, en marge de la justice à caractère politique, se dessina très
rapidement une autre forme de pénalité qui, en dehors des seuls
historiens du droit, n’a guère suscité de recherches scientifiques.
Rappelons le contexte. Entre octobre
1790 et janvier 1791, les juridictions d’Ancien Régime avaient cessé
leurs activités, mais en matière de droit commun, le problème était
crucial au vu de la situation dans les prisons, notamment à Paris,
surchargées de détenus en attente de jugements.
C’est pour régler ce problème de l’arriéré des procès, qu’on institua à
Paris (loi des 1er-5 décembre 1790) un tribunal d’appel pour les
affaires criminelles jugées au Châtelet ou dans les autres sièges
royaux et seigneuriaux du ressort du Parlement de Paris. Ce tribunal
fut remplacé par les six tribunaux criminels provisoires (établis par
la loi des 13-14 mars 1791) chargés de juger tous les procès criminels
entamés avant la fermeture des tribunaux parisiens de l’Ancien Régime
en janvier 1791, notamment le Châtelet et le Parlement criminel. Ils
furent également supprimés et les six tribunaux d’arrondissement de
Paris ne prennent alors en charge les nouveaux procès criminels. Mais
il se trouve que les archives des six tribunaux d’arrondissement de
Paris furent entièrement brûlées dans l’incendie du Palais de justice
en mai 1871 (ainsi que les archives du tribunal civil de la Seine et
celles du tribunal criminel de Paris).
Il en résulte que les seules archives subsistantes relatives aux
affaires criminelles de droit commun dans le département de Paris, sont
celles des six tribunaux criminels provisoires dont les pièces des
affaires jugées entre avril 1791 et décembre 1792 avaient été remises
au citoyen Terrasse, garde des archives judiciaires, par les
commissaires chargés d’apposer les scellés sur les greffes, et versées
aux Archives nationales (au Palais Soubise) entre 1847 et 1848. C’est
dire l’importance que revêt ce fonds (Z/3/1 à 116) pour l’histoire de
la justice de la Révolution !
Les archives des tribunaux criminels provisoires nous sont parvenues
intactes (sacs de jute en l’état). Elles se composent pour une grande
partie de dossiers d’instruction et/ou de procédure des affaires (y
compris les procédures entamées antérieurement), de jugements rendus et
pour autre partie de pièces à conviction : porte-feuilles, mouchoirs
tâchés de sang, tampons pour imprimer de faux assignats ou de faux
documents, lettres anonymes, fioles, couteaux, limes, chapelets, etc.
Ce fonds permet d’étudier la mise en place de la nouvelle procédure
pénale. Il est indispensable pour l’analyse de la qualification des
infractions à la veille de la Révolution et pour la sociologie des
condamnés ainsi que pour l’individualisation des peines. Ce sont là des
archives des humbles qui par ailleurs n’ont laissé que très peu de
documents dans la grande histoire de la Révolution (une classe
dangereuse à Paris pendant cette dernière moitié du XVIIIe siècle,
condamnée au menu larcin, au vol à l’étalage ou dans les églises, au
vol de draps et de couverts dans les garnis où ils passaient la nuit, à
la falsification de documents officiels, etc.).
Ce sont donc là des paroles (les interrogatoires), les gestes (les
dépositions) et les actes (les enquêtes des commissaires) laissés par
ces dossiers de procédure qui font l’objet de cette exposition de
quatre-vingt pièces inédites, extraites des fonds judiciaires des
Archives nationales…
Danis Habib (AN)
http://criminocorpus.hypotheses.org/?p=1133