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Subject: Histoire des techniques
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[Athena] Fwd: [Theuth] Techniques&Culture - Appel n°1 - Rappel Echéance : 6 janvier 2014
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- From: Christiane Demeulenaere <christiane.demeulenaere AT gmail.com>
- To: Diffusion-hist des techniques <athena AT services.cnrs.fr>
- Subject: [Athena] Fwd: [Theuth] Techniques&Culture - Appel n°1 - Rappel Echéance : 6 janvier 2014
- Date: Tue, 17 Dec 2013 18:51:36 +0100
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De : Rauzy Marie-Luce <marie-luce.rauzy AT ehess.fr>
Date : 17 décembre 2013 11:33
Objet : Re: [Theuth] Techniques&Culture - Appel n°1 - Rappel Echéance : 6 janvier 2014
À : theuth AT listes.univ-rennes1.fr
Cc : Techniques & Culture <techniques-et-culture AT ehess.fr>
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De : Rauzy Marie-Luce <marie-luce.rauzy AT ehess.fr>
Date : 17 décembre 2013 11:33
Objet : Re: [Theuth] Techniques&Culture - Appel n°1 - Rappel Echéance : 6 janvier 2014
À : theuth AT listes.univ-rennes1.fr
Cc : Techniques & Culture <techniques-et-culture AT ehess.fr>
Chers*e*s Theuthiens*nes,
Argumentaire
Allez à la Documenta de Kassel, au Palais de Tokyo à Paris, à la Biennale d’art contemporain de Venise : partout vous voyez des sculptures néo-primitivistes, des photos et des films ethnographiques ou tout comme, des carnets d’observation, des peintures postcoloniales. Vous voyez cités ou évoqués Alfred Gell, Philippe Descola, Tim Ingold, Bruno Latour, l’animisme et le chamanisme, l’agency et l’anthropologie symétrique. C’est un fait : les artistes contemporains s’intéressent à l’ethnologie. Cela ne date pas d’hier mais c’est tout de même assez récent : un des premiers critiques d’art à s’en être aperçu, Hal Foster, a écrit son article inaugural, « Artist as Ethnographer », en 1995. Depuis, le phénomène a pris tellement d’ampleur, les expositions qui associent objets d’art et objets d’ethnographie sont innombrables ; et les auteurs donnent à ce « tournant ethnologique » (Montazami) de l’art contemporain des raisons fort diversifiées.
La revue Techniques & culture lance un premier appel à contributions
pour un numéro intitulé « Essais de bricologie. Ethnologie de l’art et du
design contemporain » porté par deux coordonnateurs, un historien de
l’art, Thomas Golsenne (Villa Arson, Nice) et une chercheuse en art et sciences de l’art,
Patricia Ribault (ESAD, Reims). Ce numéro thématique vise à explorer les
relations entre l’anthropologie et la création contemporaine. Il s’attachera en
particulier aux savoir-faire des uns et des autres sous la forme d’un quasi-manifeste
de « brico-logie ». Ce numéro est largement ouvert aux disciplines des
sciences sociales et donnera lieu à une rencontre scientifique préparatoire
avant l’édition à proprement parler. Sont également prévues, une exposition à
la Villa Arson et des rencontres scientifiques et publiques avec des artistes
et scientifiques à la Villa Noailles, la Villa Arson et l’Ehess de Marseille.
Conditions de soumission
Conditions de soumission
- Un résumé d’une page, 2 000 caractères maximum, donnant lieu par la suite à un article de 25 000 à 35 000 caractères, accompagné de 15 à 20 illustrations en haute définition.
- Date limite de soumission : lundi 6 janvier 2014
- Parution : 1er semestre 2015
- À l’adresse de la rédaction : techniques-et-culture AT ehess.fr
Techniques
& culture s’intéresse en particulier à l’ethnologie des
techniques, des plus « traditionnelles » aux plus modernes, comme
productions socioculturelles à part entière, au cœur des rapports entre les
hommes, mais aussi entre les sociétés et leur environnement. La revue publie
des numéros thématiques. Pour connaître les normes de la revue, consulter le
site de la revue : http://tc.revues.org/1556
ou s’adresser à la rédaction. D’autres appels et numéros thématiques sont
également prévus sur les Restes, La Méditerranée, les Objets et seront
prochainement diffusés.
Consulter le texte de l’appel sur Calenda : http://calenda.org/263653 ou sur le site de la revue : http://tc.revues.org/6839
Argumentaire
Allez à la Documenta de Kassel, au Palais de Tokyo à Paris, à la Biennale d’art contemporain de Venise : partout vous voyez des sculptures néo-primitivistes, des photos et des films ethnographiques ou tout comme, des carnets d’observation, des peintures postcoloniales. Vous voyez cités ou évoqués Alfred Gell, Philippe Descola, Tim Ingold, Bruno Latour, l’animisme et le chamanisme, l’agency et l’anthropologie symétrique. C’est un fait : les artistes contemporains s’intéressent à l’ethnologie. Cela ne date pas d’hier mais c’est tout de même assez récent : un des premiers critiques d’art à s’en être aperçu, Hal Foster, a écrit son article inaugural, « Artist as Ethnographer », en 1995. Depuis, le phénomène a pris tellement d’ampleur, les expositions qui associent objets d’art et objets d’ethnographie sont innombrables ; et les auteurs donnent à ce « tournant ethnologique » (Montazami) de l’art contemporain des raisons fort diversifiées.
Si les artistes se sont donc si massivement intéressés à
l’ethnologie depuis une vingtaine d’années, qu’en est-il de la
réciproque ? Les ethnologues se sont-ils intéressés à l’art
contemporain ? Il faut bien le reconnaître ici, la réponse est décevante
car elle est négative ; du moins le mouvement des ethnologues vers les
artistes d’aujourd’hui n’est-il pas aussi massif que celui des artistes vers
les ethnologues. Les quelques démarches isolées que nous avons pu rencontrer
(Susanne Küchler sur Sophie Calle, Alfred Gell sur Damien Hirst par exemple) ne
changent pas foncièrement la donne. Il y a bien une sociologie, des sociologies
de l’art, qui envisagent l’art contemporain de loin, en adoptant le point de
vue statistique, en couvrant de vastes échelles, soit pour montrer comme il
s’organise en réseau professionnel (Becker), soit pour comprendre les discours
qui le (mal)traitent (Heinich). Il existe évidemment une anthropologie de
l’art, mais celle-ci traite des productions traditionnelles émanant des
sociétés étudiées par l’ethnographie : le langage plastique des pirogues
trobriandaises est passionnant, mais ce n’est pas de l’art contemporain. Et
même sans aller aussi loin, on peut se tourner vers l’ethnologie des arts et
traditions populaires, champ vaste et captivant ; mais, comme la pirogue
trobriandaise, le moule à beurre normand est produit par une figure de l’autre,
qui n’est pas issu de la même culture que l’ethnologue. Or, dans ce dossier,
nous voulons justement éviter cette coupure quasi-ontologique et étudier un des
aspects fondamentaux de notre propre culture : notre production
artistique.
L’ethnologie, telle que nous l’entendons ici, ne doit pas
être confondue avec la discipline universitaire, mais plutôt être prise comme
un niveau d’analyse : ni celui, trop restreint, de l’ethnographie, que
l’ethnologie déborde par sa visée comparatiste et théorique, ni celui, trop
ouvert, de l’anthropologie, qui couvre malheureusement aujourd’hui à peu près
tout et n’importe quoi. Une approche ethnologique qui étudierait à son échelle,
c’est-à-dire celle des petits collectifs – mot commun au vocabulaire des
ethnologues et des artistes ! – la trajectoire d’un groupe d’artistes,
voire d’un seul, les réseaux dans lesquels ils sont acteurs, leurs systèmes de
parenté symbolique ou pas, leur vie quotidienne et leurs rituels, leur
« magie » et leur « ontologie » (pour prendre deux mots issus
de générations ethnologiques différentes), leurs techniques et leurs pratiques,
et qui permettrait, par une mise à distance comparatiste ou théorique, d’en
déterminer les principales lignes de force ; une telle approche
ethnologique sollicitée ici est donc encore difficile à trouver. C’est d’autant
plus regrettable que « l’art contemporain » est impossible à définir
du point de vue des formes artistiques qu’il contient, puisqu’elles y sont
toutes – les plus novatrices, les plus rétrogrades, les plus High Tech, les
plus Low Tech, les plus nobles, les plus kitsch – et que la seule manière par
laquelle il semble possible de le définir est de s’intéresser à ses acteurs
(pas seulement aux artistes, mais à tous ceux qui font vivre les œuvres, et les
œuvres elles-mêmes), c’est-à-dire de manière ethnologique.
Pour les objets de design, la question se pose autrement,
car la plupart d’entre eux n’ont pas pour vocation première d’être exposés et
contemplés, mais pratiqués, utilisés. Ceux que vous verrez à la Biennale de
design de Saint-Étienne ou à la Villa Noailles ne flirtent pas spécifiquement
avec l’ethnographie, ils témoignent plutôt de leur époque et de ses
problématiques sociétales ou techniques. En cela, ils portent une valeur
ethnologique intrinsèque, témoignant d’eux-mêmes, sans représentation, des us
et coutumes d’une société à une époque donnée. Ils sont les héritiers de ces
mêmes objets artisanaux qui remplissent les musées de sociétés et de
civilisations et, à ce titre, s’inscrivent en continuité avec eux. Mais ce qui
les rend si spécifiques, si intéressants d’un point de vue ethnologique, c’est
qu’ils se sont « objectivés » à mesure que le processus
d’industrialisation rationalisait leurs modes de production, et donc leurs
modes d’« existence ». Il serait intéressant de comparer leurs
langages techniques, rituels et symboliques avec ces autres objets, ceux
auxquels s’intéressent les anthropologies des objets et de la consommation,
dont les fonctions sont, en quelque sorte, inversées, tels les objets de culte
vs les objets « cultes ». Cela reviendrait à déplacer le regard
traditionnellement porté sur le design – qui s’attache tout d’abord aux formes
et aux fonctions d’usage – vers une culture à la fois matérielle et
immatérielle des objets contemporains. Un tel mouvement commence déjà à exister
(Adam Drazin, Pauline Garvey entre autres) mais il n’est que frémissant.
Bien sûr il y a d’autres domaines d’_expression_ artistique
qui auraient besoin d’une bonne ethnologie : les arts du spectacle, le
cinéma, la musique par exemple. Mais l’art contemporain et le design ont ceci
d’intrinsèquement ethnologique, pourrait-on dire, qu’ils s’expriment à travers
des objets, au sein d’une culture matérielle spécifique ; or l’ethnologie
des objets et de la culture matérielle est depuis bon nombre d’années une des
voies royales empruntées par les ethnologues. Et si certaines pratiques
artistiques comme la performance ou l’art conceptuel ne sont pas orientés vers
la production d’objets, elles n’en restent pas moins accessibles à une
ethnologie des techniques du corps ou de la culture immatérielle.
Étudier l’art contemporain et le design d’un point de vue
ethnologique (ce qui ne veut pas nécessairement dire par des ethnologues
assermentés) devrait donc permettre de remplir une lacune épistémologique. Nous
y voyons un double avantage : remettre en question un certain nombre de
catégories en usage aussi bien chez les artistes et les designers que chez les
chercheurs, même si ceux-ci et ceux-là les ont déjà sérieusement écornées,
comme art/artisanat, tradition/modernité, cultures chaudes/cultures froides,
etc. ; et surtout porter un regard différent sur ces pratiques, donc leur
donner une autre forme d’intelligibilité, ce qui pourrait peut-être contribuer
à sortir l’art contemporain et le design de l’incompréhension dont ils
souffrent parfois auprès des non-connaisseurs.
Comment procéder ? Nous avons dessiné quelques
pistes de recherche, à moins que d’autres ne se dessinent en sus. Nous les
proposons à tous les chercheurs capables de porter un « regard
ethnologique » sur l’art contemporain et le design. Ces pistes, on
pourrait les regrouper sous le terme de « bricologie » qui est à
l’art et au design ce que la technologie est à la technique : une
réflexion sur les pratiques. C’est un univers de pensée où le savoir se combine
au faire : la bricologie n’est pas seulement, en effet, discours sur le
bricolage, l’art et la technique. C’est la science de ce qui dépasse les
clivages habituels entre discours et pratique, art et technique, esprit et
main. Il faut donc qu’à côté d’une recherche sur les artistes, les designers et
les œuvres, il y ait une recherche avec eux. L’artiste et le designer sont
objet et sujet de la recherche.
— Dans des collectifs et des sociétés étudiés par
les ethnographes, des artistes issus de ces communautés pratiquent des formes
d’art qui circulent dans le réseau de l’art contemporain. À cheval entre deux,
trois identités, voire plus, ces artistes fournissent une excellente occasion
de questionner le clivage tradition/modernité, le multiculturalisme et le
multinaturalisme, le postcolonialisme et la question de la symétrisation des
regards et des pratiques. Nous ne sommes plus dans le cas de figure du savant
civilisé auscultant la culture traditionnelle des « primitifs », à la
Franz Boas, mais nous cherchons les situations où les positions sont plus
complexes, réversibles, diffractées.
— Art, artisanat, design : des mots très clairs
en théorie mais brouillés dans la pratique. Il serait sans doute intéressant de
se demander les raisons de cet écart entre théorie et pratique, mais plus
encore de se pencher sur ce domaine de la praxis artistique (au sens large) où
les catégories sont mises de côté et où l’attention aux modes d’invention des
formes, aux protocoles d’élaboration des projets, aux acteurs nécessaires à la
mise au monde d’une pièce, aux ressources matérielles et humaines qu’ils ont à
disposition permettrait de développer une approche plus fine. Des arts et
traditions populaires au design, du bricoleur du dimanche à l’artiste
ingénieur, gageons qu’il n’y a pas des ruptures d’espèce, mais des différences
de degrés dans les mêmes pratiques, avec des acteurs et des moyens différents,
mais qui parfois se rencontrent.
— Un « mode d’existence » (pour parler
comme Simondon et Latour) en particulier des objets d’art et de design mérite
une attention particulière : le mode technique. Il est au centre de tous
les problèmes, il associe toutes les questions. Car si la modernité peut se
définir par une invention exponentielle de techniques, que dire de la
contemporanéité ? C’est ce que nous demandons, justement, à ceux qui
savent parler des techniques aujourd’hui, qu’ils soient technologues,
ingénieurs, anthropologues des techniques ou philosophes. Plus précisément, art
et technique partagent une longue histoire qu’on qualifierait d’amour si elle
n’était entrecoupée de ruptures et de divorces à répétition. Or, si aujourd’hui
il va théoriquement de soi que l’art est « au-dessus » des
techniques, que le designer conçoit et le technicien exécute, cette répartition
des rôles et des compétences, cette distinction des modes d’existence est
pratiquement impossible à établir. Loin d’être au-dessus des techniques, jamais
autant qu’aujourd’hui les artistes et les designers n’ont-ils inventé, expérimenté,
détourné, mis à mal les techniques qu’ils éprouvent, renouvellent, réinventent
sans cesse. Quelles « chaînes opératoires », quelles formes de
« promission » (terme par lequel on peut traduire l’affordance de
James Gibson) sont mises en jeu dans les gestes techniques des artistes et des
designers ?
— Puisque les objets ont une « vie
sociale » et sont dotés d’« agentivité » par les relations entre
agents et patients qui les activent, cela doit s’appliquer aux objets d’art et
de design contemporains, dont l’existence déborde largement le seul moment de
leur production. Une œuvre d’art se caractérise traditionnellement par sa
capacité à traverser les siècles en changeant de fonction, en suscitant de
nouveaux regards, de nouveaux usages, parce qu’elle est toujours présente. Mais
aujourd’hui ce qui a changé c’est que la sempiternelle présence de l’œuvre
compte moins que les innombrables manières de l’inscrire, ses multiples modes
de reproduction, les médias qui la diffusent ou qui constituent même son
medium, comme le cas des œuvres sur internet. Quant à l’objet de design, celui
qui restera dans la mémoire collective, il se caractérise par sa capacité à
modifier durablement les usages voire les techniques d’une époque donnée, donc
à s’inscrire de manière plus ou moins spectaculaire, plus ou moins évidente
dans sa culture. Nous parions que les chercheurs ont beaucoup à dire sur ces
objets à la présence diffuse.
Pour Techniques
& culture
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Christiane Demeulenaere-Douyère
75020 Paris
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- [Athena] Fwd: [Theuth] Techniques&Culture - Appel n°1 - Rappel Echéance : 6 janvier 2014, Christiane Demeulenaere, 12/17/2013
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