[Athena] Disparition de Joost Mertens (1943-2015)

[Patrice Bret <patrice.bret AT yahoo.fr>]

Chers collègues,

C'est avec une grande tristesse que je vous annonce la disparition de notre collègue et ami Joost Mertens. Deux mois après l'annonce d'un cancer fulgurant, il a choisi de mourir hier dans la dignité, chez lui à La Haye.

Historien des techniques et de la chimie, mais aussi grand balzacien, Joost Mertens était devenu un chercheur original et fécond à la suite d'un itinéraire atypique. Lors de ses études de chimie et de philosophie à l'université d'Utrecht dans les années 1960, il avait été marqué par l'existentialisme d'Albert Camus et Maurice Merleau-Ponty et la théorie critique de Herbert Marcuse. Débutant sa carrière de chercheur au département de chimie physique de l'université d'agriculture de Wageningen, il était vite passé au département de philosophie, se spécialisant en philosophie des sciences (néopositivisme, Karl Popper, Thomas Kuhn, Paul Feyerabend) et spécialement influencé par Günter Ropohl, qui tentait de moderniser l'idée de la technologie générale de Johann Beckmann. Ses propres travaux, en néerlandais, portaient alors sur les sciences appliquées dans le domaine de l'agriculture et de l'environnement.

Dans les années 1990, il s'est tourné vers l'histoire culturelle des sciences et des techniques, étudiant l'histoire de la pile électrique au XIXe siècle et publiant ses premiers travaux d'histoire des techniques en anglais.

Retraité en 2001, il était devenu chercheur indépendant, associé au département d'histoire d'Ernst Homburg à l'université de Maestricht. C'est alors qu'il a commencé à participer aux activités du CRHST à la Villette et du CDHT au Conservatoire des arts et métiers, et à publier des travaux sur l'histoire de la technologie au début du XIXe siècle, notamment en France, à partir de son article pionnier "Technology as the science of the industrial arts: Louis-Sébastien Lenormand (1757-1837) and the popularization of technology", History and technology 18 (2002), 203-231.

Ses travaux d'histoire des sciences et des techniques - une bonne vingtaine d'articles en anglais, et parfois en français et en allemand - ont paru dans un grand nombre de revues internationales (Studies in History and Philosophy of Science, Isis, Annals of Science, Archives internationales d'histoire des sciences, Centaurus, History of Science, Ambix, Physics Today, Nuncius, Alliage, Documents pour l'histoire des techniques, Kultur & technik), dans des ouvrages collectifs et même, dans L'Année balzacienne où il aimait faire le lien entre les personnages de la comédie humaine et les savants et ingénieurs du temps. Enfin, à l'initiative de Liliane Hilaire-Pérez, il a traduit en français, avec l'aide de Guillaume Carnino, le Plan de technologie générale (Entwurf der allgemeinen Technologie).

Quelques jours avant d'apprendre la terrible nouvelle de sa maladie, Joost Mertens était venu spécialement à Paris pour assister à l'intervention de Marco Beretta sur les laboratoires de Lavoisier au séminaire Les savoirs opératoires de la matière de la Renaissance à l'industrialisation, au Centre Alexandre Koyré.

Son humour et ses connaissances vont manquer à notre communauté. Nos pensées vont à sa femme et à ses amis.

Cordialement,

Patrice Bret

Centre Alexandre Koyré/EHESS-CNRS-MNHN