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athena - [ATHENA] Fwd: [accesouvert] [revues_shs] Inquiétude pour l'avenir des revues SHS de langue française

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Objet : Histoire des techniques

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[ATHENA] Fwd: [accesouvert] [revues_shs] Inquiétude pour l'avenir des revues SHS de langue française


Chronologique Discussions 
  • From: Stéphane Pouyllau (stephane.pouyllau AT cnrs.fr via athena Mailing List) <athena AT services.cnrs.fr>
  • To: Liste ATHENA <athena AT services.cnrs.fr>
  • Subject: [ATHENA] Fwd: [accesouvert] [revues_shs] Inquiétude pour l'avenir des revues SHS de langue française
  • Date: Tue, 22 Mar 2016 19:37:01 +0100

Bonsoir,
Je me permet de relayer ici -avec son autorisation) cet email de J-C. Guédon.
Je le trouve riche et il vient nourrir le débat autour de l’open access.
Cordialement,
Stéphane.

> Début du message réexpédié :
>
> De: Jean-Claude Guédon <jean.claude.guedon AT umontreal.ca>
> Objet: Rép : [accesouvert] [revues_shs] Inquiétude pour l'avenir des revues
> SHS de langue française
> Date: 21 mars 2016 17:01:32 UTC+1
> À: <revues_shs AT groupes.renater.fr>, accesouvert
> <accesouvert AT groupes.renater.fr>
> Répondre à: <jean.claude.guedon AT umontreal.ca>
>
> Je profite du message de Philippe Minard pour effectivement encourager les
> lecteurs de cette liste à lire, étudier et méditer les articles du No
> spécial de la RHMC.
>
> Il faudrait y ajouter les articles de la Revue Européenne des sciences
> sociales de 2014 (vol. 52 No 1). Ces deux ensembles forment une sorte de
> tout, en fait.
>
> Il sera important, à un moment donné, d'écrire une synthèse critique de ces
> deux numéros et de la littérature récente, française - je dis "française"
> parce que, fidèle à une tradition bien établie en diplomatie française -,
> ce numéro met plusieurs fois en jeu une variante de "l'exception
> culturelle". Il faudra écrire cette synthèse pour en arriver à une analyse
> un peu plus solide de ce qui est en train de se passer en France et
> ailleurs. La spécificité française se note, particulièrement chez Philippe
> Minard, mais aussi chez Ghislaine Chartron dans la RESS, par un recours
> répété à la notion de "victime collatérale" d'un mouvement - le libre accès
> - déclenché en réaction des pratiques financières des multinationales de
> l'édition scientifique. Mais si l'on considère ce qui se passe avec des
> éditeurs comme Blackwells (maintenant repris par Wiley) qui produisaient un
> grand nombre de revues en sciences humaines, ou Sage Publications, il faut
> bien se rendre compte que la mondialisation de la connaissance (qu'il
> faudrait soigneusement distinguer de l'internationalisation des
> connaissances) gagne progressivement toutes les disciplines. Si les
> chercheurs français veulent jouer un rôle utile dans notre histoire
> contemporaine, et non pas mener de vains combats d'arrière-garde largement
> limité à l'Hexagone, il serait bon de se situer sur un champ de bataille
> favorable. S'appuyer sur la spécificité des sciences humaines, c'est tenter
> d'échapper à la noyade en se saisissant de fétus de paille. Toute la
> communication savante est en cause, avec simplement des décalages temporels
> qui, pour certains, masquent la généralité du mouvement.
>
> Un des points frappants des articles de la RHMC, c'est la référence
> quasi-unanime à la "revue" comme une sorte d'absolu indépassable. Comme
> point de départ d'une étude plus forte de la situation de l'édition
> savante, je suggèrerais à mes collègues de reprendre le chemin ouvert par
> Michel Foucault sur l'auteur et de réfléchir, par analogie, à la
> fonction-revue, son archéologie et ses limites. Poser la revue comme absolu
> se comprend fort bien si l'on pratique le discours, fortement et forcément
> situé, d'un responsable de revue ou d'un éditeur de revues. On peut
> imaginer que les responsables des scriptoria, quand ils ont vu arriver les
> premiers imprimeurs, ont commencé par défendre le scriptorium, plutôt que
> la fonction-scriptorium. Dans la fonction-revue, il y a des enjeux de
> pouvoir, tout comme dans les scriptoria d'antan. Ceux et celles qui
> détiennent ces pouvoirs privilégient souvent (hélas) cet élément au
> détriment des objectifs de la communication savante qui, elle, vise à
> nourrir la "grande conversation" essentielle pour la production distribuée
> de connaissances validées.
>
> S'il y a un absolu à envisager, c'est celui de la fonction-communication en
> contexte de la recherche, c'est-à-dire en contexte d'individus qui
> cherchent, avec des mots, symboles, concepts, formules, etc., à cerner la
> réalité d'aussi près que possible en débattant vigoureusement les uns avec
> les autres. La forme-revue a joué un rôle crucial depuis le XVIIe siècle
> quand les philosophes, et en particulier les philosophes de la nature se
> sont appropriés les outils offerts par l'imprimerie pour transposer les
> fonctions du commerce épistolaire lorsque celui s'est révélé mal adapté et
> peu approprié à la fonction-communication en contexte de recherche. Il en
> va de même pour l'imprimerie actuellement.
>
> S'il ya un processus à envisager, ce n'est pas celui de protéger à tout
> prix (littéralement, d'ailleurs) la forme-revue (pas plus qu'il ne
> s'agissait de protéger la forme-scriptorium à la Renaissance), mais bien de
> voir comment évoluer le mieux possible à partir de cette forme en
> regardant en avant et non dans son rétroviseur (pour reprendre l'expression
> de McLuhan). Ce travail est un travail qui devrait être piloté par les
> chercheurs en général, probablement aidé par les bibliothécaires et
> certains éléments de la fonction-édition (très différente de la
> fonction-communication). Les éditeurs ou maisons d'édition (publishers en
> anglais, "publicheurs" dit Marie Farge assez drôlement) sont mal placés
> pour faire évoluer la situation le mieux possible, mais ils disposent de
> points d'appui et de ressources financières qui ne sont pas insignifiants.
> Il y aura donc combat - un combat partiellement de nature économique et
> partiellement de nature politique - à entreprendre. La communauté des
> chercheurs elle-même devra faire face à ses propres divisions : exercer le
> rôle d'éditeur de rédaction d'une revue conduit à l'exercice d'un pouvoir
> important, et conduit à produire des hiérarchies plus ou moins
> indépendantes des critères de qualité et de compétence qui devraient être
> situés au cœur d'un dispositif de production distribuée ou répartie (pour
> employer une métaphore informatique qui, nul doute, ravira les historiens
> de l'avenir (clin d’œil à Claire Lemercier). Bien repérer ces divisions
> permettra de mieux tracer une route, une stratégie pour améliorer,
> préserver et stimuler la production des connaissances dans le contexte
> numérique qui se généralise chaque jour un peu plus.
>
> Je voudrais aussi m'exprimer sur la situation au Québec, puisqu'elle a été
> signalée par au moins deux auteurs de la collection d'articles de la RHMC.
> Les revues au Québec disposent en fait de deux sources (au moins) de
> financement - le Québec et le gouvernement fédéral du Canada. Un certain
> nombre de revues qui ont perdu (dans certains cas, seulement
> temporairement) le soutien du Québec conservent celui provenant du CRSH
> (Conseil de recherche en sciences humaines), organisme fédéral. Dans
> certains cas, des mesures compensatoires ont été accordées par une
> institution de tutelle visant à préserver la continuité de la revue
> jusqu'au concours suivant (p. ex. Études Françaises de mon université).
>
> En fait, cet épisode dénote la sagesse de multiplier les points d'appui
> indépendant et, loin de constituer un exemple sinistre de la fragilité des
> soutiens publics - incidemment, les sauts de carpes ne sont pas moins
> prononcés en milieu privé, comme l'indiquent les coûts des abonnements ou
> des APC (Article processing charges) - cet exemple donne à réfléchir sur
> les montages financiers à favoriser pour soutenir le libre accès. En
> Europe, si l'on accepte de réfléchir à cette échelle, cela suggère la
> possibilité d'une mutualisation continentale des ressources financières
> soutenant la communication scientifique de façon à amortir les choc
> possibles de retournements politiques locaux. Ici encore, la métaphore de
> la répartition, au sens informatique, donne des pistes pour créer des
> dispositifs de publication plus robustes visant à garantir l'accès libre.
> Et si l'on reprend la question du Québec, les rivalités locales jouent
> parfois des rôles négatifs, d'où l'importance réitérée d'internationaliser
> aussi les instances d'évaluation pour minimiser les effets d'antagonismes
> trop directs. Le Québec est une toute petite société, il ne faut jamais
> l'oublier.
>
> Remarque finale : la substitution du "gratuit" d'une part au "libre" ou
> "ouvert" d'autre part ( je traite les deux derniers comme équivalents),
> dans certains des articles de la RHMC démontre chez certains une incapacité
> à envisager le document savant autrement que sous la forme d'une
> marchandise et/ou d'une propriété. L'inversion du slogan de Proudhon dans
> le titre de a contribution de Richard Malka est pleine d'esprit, mais de
> peu de substance. Un des effets importants de la numérisation, c'est
> justement de relâcher partiellement le lien entre nécessité économique et
> document (sans le faire complètement disparaître, il faut bien le souligner
> aussi). Le phénomène de l'auto-édition (qui, incidemment, n'a rien à voir
> avec le libre accès ou les archives ouvertes) reflète ce phénomène.
>
> En conclusion, il faut remercier la RHMC d'avoir ouvert son potentiel de
> dissémination (dans le passé, on aurait parlé de colonnes...) à des prises
> de position variées, voire contradictoires. Ce qui manque maintenant, c'est
> précisément ce que l'un des auteur regrette dans son texte, à savoir la
> transparence et la lisibilité des budgets individuels de chaque revue
> concernée. Quelques éléments surgissent ici et là, en particulier autour
> des Annales, d'une part, et de Tracés d'autre part, mais tout une enquête
> fortement empirique est nécessaire pour arriver à bien saisir les besoins
> essentiels d'un système sain de communication savante.
>
> --
> Jean-Claude Guédon
> Professeur titulaire
> Littérature comparée
> Université de Montréal
>
>
>
> Le lundi 21 mars 2016 à 13:49 +0100, Philippe Minard a écrit :
>> Chères et chers collègues,
>>
>>
>> Je vous prie de bien vouloir trouver ci-joint -- pour prolonger les débats
>> sur la loi concernant le numérique, et ses implications pour les revues de
>> sciences humaines et sociales -- une courte tribune, signée notamment par
>> Michelle Perrot et Daniel Roche, exprimant l'inquiétude de chercheurs et
>> animateurs de périodiques quant à l'avenir des revues SHS de langue
>> française.
>>
>>
>>
>> http://www.liberation.fr/debats/2016/03/17/les-revues-de-sciences-sociales-en-danger_1440203
>>
>>
>> Bien cordialement,
>>
>> Philippe Minard
>>
>>
>>

--
Stéphane POUYLLAU
Directeur technique d'Huma-Num
Ingénieur de recherche CNRS

Huma-Num
190-198 avenue de France
75648 Paris cedex 13

http://www.huma-num.fr
http://humanum.hypotheses.org

Twitter : http://twitter.com/spouyllau
Blog : http://blog.stephanepouyllau.org



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