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athena - [ATHENA] Toujours sur les publications scientifiques

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Objet : Histoire des techniques

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[ATHENA] Toujours sur les publications scientifiques


Chronologique Discussions 
  • From: "Patrick Fridenson" (patrick.fridenson AT ehess.fr via athena Mailing List) <athena AT services.cnrs.fr>
  • Cc: Liste ATHENA <athena AT services.cnrs.fr>
  • Subject: [ATHENA] Toujours sur les publications scientifiques
  • Date: Mon, 28 Mar 2016 22:01:33 +0200 (CEST)



Permettez-moi de diffuser ci-dessus une autre contribution au débat, parue sur la liste accès ouvert, celle de Jérôme Valluy.

Patrick Fridenson

Début du message transféré :

Expéditeur: jerome valluy <jerome.valluy AT univ-paris1.fr>
Date: 26 mars 2016 15:09:25 UTC+1
Destinataire: accesouvert AT groupes.renater.fraccestresouvert AT cnu.lautre.net
Objet: [accesouvert] Contre cette pétition : libre accès aux publications scientifiques OUI... système étatique, centralisé, obligatoire de dépôt NON.
Répondre à: jerome valluy <jerome.valluy AT univ-paris1.fr>

Sur cette mise en pétition  d'une tribune de trente technocrates du système universitaire français : 
https://www.change.org/p/thierry-mandon-education-gouv-fr-pour-une-science-ouverte-%C3%A0-tous

Bonjour, 

J'ai signé la pétition de 2013 (http://iloveopenaccess.org/)  et je suis prêt également à défendre le libre accès contre mes collègues rétrogrades (https://www.facebook.com/jerome.valluy/posts/10153875685952211), mais cette pétition me semble inacceptable.   Sous couvert de défense de libre accès, cette tribune transformée en pétition, défend un dispositif technocratique de contrôle et de surveillance alors que le libre accès aux publications scientifique doit aller de paire avec libre choix des chercheurs de la plateforme d'éditorialisation ou rééditorialisation en libre accès. 

Cette phrase en particulier, centrale dans le texte, dévoie complètement la signification politique du message et par là le sens du combat en faveur du libre accès : "Alors que les sciences physiques et les mathématiques ont montré la voie dès 1991 et sont aujourd’hui quasiment en accès ouvert à 100 % grâce à arXiv, nous appelons les autres disciplines à faire de même, en utilisant HAL, infrastructure nationale de dépôt des articles en archives ouvertes, ou l’archive ouverte de leur établissement connectée à HAL."

Certes la formulation est suffisamment ambigüe pour passer inaperçue aux yeux de beaucoup de futurs signataires... mais quant on sait le projet initial du CNRS, en 2004, d'imposer l'obligation de dépôt à ses chercheurs sur cette archives institutionnelle et que l'on sait de surcroît l'intérêt de la CPU pour obtenir la même obligation à l'égard des enseignants-chercheurs, ceci, dans l'un et l'autre cas, afin d'utiliser ces dépôts pour générer des calculs bibliométriques destinés à indexer la régulation des budgets et carrières des personnels... force est de constater que le thème du libre accès se trouve dévoyé à d'autres fins qui sont celles du management, de la surveillance et de la coercition. 

Objectivement, le libre accès n'a nul besoin de HAL pour prospérer : les plateformes étrangères, les plateformes commerciales, les plateformes associatives, les plateformes informelles sont aussi valables (dès lors que les articles sont en libre accès) pour atteindre le seul objectif du libre accès... le reste, et notamment la focalisation sur HAL articulée à la fouille de texte, relève d'une instrumentalisation du thème du libre accès à d'autres fins politiques que le libre accès lui-même  : défenses des boutiques technocratiques, renforcement des pouvoirs hiérarchiques, surveillance & coercition des chercheurs.

HAL est  :

1) Technologiquement sous-développée ou condamnée à le devenir puisqu' incapable de s'adapter aux innovations numériques qui émergent chaque année.

2) Nécessairement sous "modération" institutionnelle (censure) puisqu'elle engage la responsabilité juridique et politique de l'institution publique qui édite.

3) Tendanciellement orientée par d'autres fins que le libre accès, notamment celle de l'"évaluation" gestionnaire (ou "photo" bibliométrique ; ex.:http://archimer.ifremer.fr/doc/00098/20962/18581.pdf ) des activités de recherche... pouvant être articulée à la gestion des pénuries budgétaires et/ou aux contrôles politiques des contenus.

4) Calamiteuse du point de vue de la qualité éditoriale : une vrai salade niçoise que HAL où l'on trouve plus de publicités pour les textes (articles ou livres) que les textes eux-mêmes ; où tous les types et genres de textes se mélangent (articles publiés, communications orales, billets d'humeurs, rapports administratifs... ) plongeant les non spécialistes - notamment étudiants - dans la plus grande confusion.

5) Sans aucune garantie de "libre accès" durable aux publications : il suffira d'une décision politique locale ou nationale, à la faveur d'une autre conjoncture politique, pour fermer les accès externes sur des motifs divers (secret scientifique & industriel, sécurité civile, intérêt national face aux concurrents étrangers, protection des brevets, des "auteurs" ou éditeurs...).

Dans le contexte de surpuissance grandissante des technocraties d'Etat et d'Etats européens et africains dont l'autoritarisme est fort et croissant, les archives institutionnelles seront centralisées, coercitives et archaïques donc contraires au libre accès (pour les savoirs et œuvres culturelles hétérodoxes), contraires à là bibliodiversité tant sur la forme (éditorialisations innovantes, ouvrages dynamiques) que sur le fond (sujets de recherche qui dérangent, paradigmes minoritaires ou émergents)... Or il n'y a pas de "libre accès" si seule la pensée dominante d'Etat est ainsi diffusée. 

Certes, la France n'est pas la Turquie... mais qui pourrait soutenir que l'évolution politique du pays est radieuse à cet égard et qu'elle  prête à l'optimisme pour l'avenir ?

Bien cordialement, 
Jérôme Valluy






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Patrick Fridenson
Centre de Recherches Historiques
Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales
190-198 Avenue de France
75244 Paris cedex 13
http://crh.ehess.fr/document.php?id=341




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