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[ATHENA] Appel à communication, colloque histoire des énergies alternatives
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- From: "Thomas Le Roux" (oekoomeo AT gmail.com) <athena AT services.cnrs.fr>
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- Subject: [ATHENA] Appel à communication, colloque histoire des énergies alternatives
- Date: Tue, 5 Sep 2017 09:39:38 +0200
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Cher.e.s collègues,
Il est encore temps de répondre à cet appel à communication pour un colloque sur l'histoire des énergies alternatives et renouvelables à l'âge industriel, qui aura lieu à Dijon les 22 et 23 mars 2018, et qui est organisé par le centre Georges Chevrier (Université de Bourgogne) et le RUCHE (Réseau universitaire de chercheurs en histoire environnementale).
En enquêtant sur l’histoire des énergies « renouvelables » et « alternatives » à l’âge industriel, l’enjeu sera d’explorer ces trajectoires et les controverses oubliées, de complexifier l’histoire de l’énergie en explorant les débats, conflits et alternatives à travers lesquels s’est construite la dépendance actuelle aux énergies fossiles.
La fin d'appel a été prolongée au 30 septembre 2017.
Merci d'envoyer vos propositions à l'adresse suivante : colloque.energies2018 AT u-bourgogne.fr
Une publication des actes est prévue pour 2019.
pour le comité d'organisation,
Thomas Le Roux
_____________________________
Appel à communication (appel complet sur le lien http://tristan.u-bourgogne.fr/cgc/manifestations/17_18/18_03_22-23.html )
Colloque "Face à la puissance. Une histoire des énergies alternatives et renouvelables à l'âge industriel (XIXe-XXe siècles)"
Toute société
possède un système énergétique à travers lequel elle parvient à transformer des
sources d’énergie primaires (rayonnement solaire, bois, hydraulique, charbon…)
en énergie utile (force musculaire, chaleur, électricité, mouvement mécanique…)
en vue de satisfaire des besoins grâce à des techniques de conversion de
l’énergie brute en énergie appropriable (manèges de chevaux, roues
hydrauliques, machines à vapeur ou à explosion). Depuis Marx au XIXe siècle
ou Lewis Mumford dans l’entre-deux-guerres, de nombreuses et très riches réflexions
ont été menées sur les relations entre énergies, pouvoir et sociétés, abondamment
réactivées aujourd’hui par les renouvellements de l’histoire environnementale
et la crise contemporaine du système énergétique global. Chaque système
énergétique modèle ainsi des rapports de production et des rapports sociaux
singuliers, et entretient des relations spécifiques à la nature. Récemment
renouvelée par d’importantes recherches consacrées à la consommation
énergétique de l’Europe sur la longue durée (Kander, P. Malanima et P. Warde),
l’histoire de l’énergie ne saurait pourtant se réduire à l’étude des
transitions énergétiques passées ou à la reconstruction des seuls indicateurs
statistiques. Elle ne saurait non plus relever de la seule expertise des
ingénieurs et des sciences dites dures. L’énergie relève profondément de
dynamiques sociales et politiques : les choix énergétiques affectent
différemment les groupes sociaux, ils modèlent des formes de vie et suscitent
d’abondantes constructions imaginaires, ils déterminent aussi des modes
d’organisations politiques et étatiques du fait des infrastructures
gigantesques qui les accompagnent. Les approches quantitatives tendent par
ailleurs à écraser les formes d’énergie organiques plus souples et ponctuelles
qui ont pourtant été cruciales dans les trajectoires passées, marquées par la
flexibilité et l’organisation en petites unités productives entretenant
longtemps des liens étroits avec la campagne. Les approches téléologiques
habituelles, orientées par le « choix du feu » (A. Gras) et le
triomphe jugé inéluctable des carburants fossiles, tendent également à rendre
invisibles les nombreux débats qui ont accompagné le processus, comme les
multiples futurs non advenus qui ont pu exister dans le passé.
Les
sociétés de croissance contemporaines sont très énergivores, bien plus que
toutes celles qui les ont précédé. Elles se caractérisent également par leur
dépendance croissante envers des énergies fossiles, non renouvelables et très
polluantes. Vers 1750, le bois et les végétaux représentaient ainsi 70 %
de l’énergie consommée dans le monde, la force humaine et animale 15 % ;
l’hydraulique et l’éolien moins de 10 %, comme le charbon de terre et la
tourbe. Mais l’essor industriel de la fin du XVIIIe siècle
inaugure une nouvelle trajectoire qui voit le passage des « économies
organiques » anciennes, fondées pour l’essentiel sur la biomasse, aux
« économies minérales » de plus en plus dépendantes des énergies
fossiles (Wrigley, 2010). Les sociétés contemporaines sont fondées sur leur
capacité à mobiliser de l’énergie en très grande quantité pour produire de la
force et du travail, pour modeler leur environnement et accroître leur
puissance. Dès la veille de la Grande Guerre, en Europe, le charbon représente ainsi
deux tiers de l’énergie consommée. Alors que la population est multipliée par
quatre au cours du XXe siècle, la consommation d’énergie l’a
été par neuf et la production industrielle par 40. En 2010, d’après les statistiques
de l’Agence internationale de l’énergie (AIE), 12.717 millions de tonnes
équivalent pétrole (Mtep) étaient produites dans le monde. Avec une part de
32,4 %, le pétrole est devenu la plus importante source d’énergie primaire
mondiale, devant le charbon (27,3 %) et le gaz naturel (21,4 %). Au
total, les énergies fossiles représentent désormais plus de 80 % de
l’énergie consommée dans le monde, très loin devant les énergies
« renouvelables » pourtant célébrées comme des solutions d’avenir. Cette
dépendance croissante aux énergies fossiles révèle aujourd’hui ses impasses et aboutit
à une série d’apories sociales, politiques comme environnementales. L’histoire
des débats énergétiques qui ont accompagné l’industrialisation du monde demeure
pourtant mal connue, et l’étude de l’énergie continue souvent d’apparaître
comme une évolution linéaire de la biomasse ancienne aux énergies fossiles
modernes. Pourtant la transition fut longtemps incertaine et abondamment
discutée, il existait d’abord des formes non-capitalistes d’utilisation et
d’exploitation du charbon, autant d’éléments à prendre en compte pour tenter de
comprendre pourquoi les énergies alternatives renouvelables ne se sont pas
imposées ou sont restées confidentielles. Les enjeux sanitaires et « écologique »,
qui n’ont cessé d’accompagner l’adoption du charbon puis du pétrole, ont été souvent
balayés ou jugés insuffisants pour influer sur le cours des processus engagés. Mais
contre toute vision inéluctable, l’accroissement de la consommation et de la
production d’énergie, ses origines et ses formes, méritent encore d’être
questionnés. Le choix du charbon a ainsi été lent et très variable selon les
régions. En France, ce n’est pas avant 1870 que la puissance des machines à
vapeur fixes égale celle des machines hydrauliques, en 1860 celles-ci
fournissent encore le double de puissance de la vapeur. L’historien Claude
Fohlen notait d’ailleurs que sous le second Empire « le charbon n’a pas
encore gagné la partie ». Même dans un pays aussi précocement industrialisé
que la Belgique, la vapeur et son système de machines combinées actionnées par
un moteur central ne concerne en 1846 que 1 000 établissements
artisanaux et industriels – certes les plus gros – sur les
114 000 que compte alors le pays, alors qu’il existe encore à cette date 2 739 moulins
à vent, 2 633 moulins à eau et 1 512 manèges à chevaux en
fonctionnement dans le pays (Van Neck, 1979). De même, on sait combien aux
Etats-Unis l’énergie hydraulique et la force des bêtes restèrent longtemps
centrale dans le système énergétique du pays (Hunter, Green). Le charbon puis le pétrole
ne se sont pas imposés naturellement, de façon linéaire et inéluctable, mais
en marginalisant d’autres trajectoires possibles, d’autres systèmes
énergétiques jugés par certains plus fiables, plus efficaces et moins
dangereux. En enquêtant sur l’histoire des énergies « renouvelables »
et « alternatives » à l’âge industriel, l’enjeu sera donc d’explorer ces
trajectoires et les controverses oubliées, de complexifier l’histoire de
l’énergie en explorant les débats, conflits et alternatives à travers lesquels
s’est construite la dépendance actuelle aux énergies fossiles. Les
notions d’énergie « renouvelable » et « alternative» renvoient évidemment
à deux ordres de réalité distincts : le type d’énergie primaire mobilisé
dans le premier cas, l’opposition aux trajectoires énergétiques dominantes – principalement
fossiles – de l’autre. Si ce langage surgit au cœur des débats et
controverses énergétiques et politiques des années 1970, on peut suivre leur
généalogie bien avant. Dès les débuts du « choix du feu » par les
sociétés industrialisées des acteurs, expérimentateurs et théoriciens se sont
inquiétés et opposés aux choix énergétiques dominants promus par les entrepreneurs
et les Etats. Dès
les débuts de l’industrialisation, de nombreux observateurs ont ainsi dénoncé
les ravages écologiques et sociaux des trajectoires énergétiques reposant sur
le charbon et le pétrole, et tenté d’en inventer d’autres. Les premiers
socialistes du XIXe siècle comme Charles Fourier par exemple dénoncent
les effets avilissants et dégradants des machines à vapeur perçues comme une
technologie bourgeoise et un instrument d’accroissement des inégalités et,
parfois, de danger pour l’intégrité physique du globe. Souvent ingénieurs, ils
croyaient pourtant au progrès de la science ; pour réconcilier leur
aspiration à l’égalité et leur foi dans le progrès technique ils ont tenté
d’imaginer des technologies qui seraient à la fois harmonieuses et bénéfiques
au plus grand nombre, à l’image des essais de l’américain Etzler pour mettre au
point des moteurs utilisant l’énergie du vent. Outre Manche, le critique d’art John
Ruskin rêve de son côté, dans les années 1870, d’une communauté idéale où
les machines qui suppriment l’exercice physique et le travail artistique
seraient interdites, seuls seraient utilisés les outils permettant
l’épanouissement de la créativité individuelle. Contre les machines à vapeur
qui polluent et exploitent la nature, les seuls moteurs autorisés seront ceux
qui utilisent les forces naturelles du vent et de l’eau. A la même époque, en
France divers essais sont menés pour domestiquer les rayons du soleil au
service de l’industrie. L’imaginaire de l’énergie solaire ne cesse de subsister
dans les marges, porté par divers acteurs, localement puissant et relancé
lorsque l’approvisionnement en combustible fossile semble entrer en crise. A
partir des années 1960 en particulier, de nombreuses réflexions se font jour
sur la manière dont il serait possible de tirer parti des nouvelles découvertes
scientifiques (dans les domaines de l’écologie, de l’informatique ou encore de
la cybernétique) pour mettre en œuvre des systèmes de production d’énergie non
polluants faisant appel à la créativité de chacun, dans l’espoir de rompre avec
l’aliénation propre au capitalisme productiviste. A bien des égards, le Whole Earth Catalog étudié par Fred
Turner, se fait l’écho de ces réflexions et de ces réalisations qui
circulent bien au-delà des Etats-Unis. Certains
moments de changement des systèmes techniques furent particulièrement propices
à ce type de réflexion sur les trajectoires alternatives. C’est le cas à la fin
du XIXe avec l’apparition de l’électricité ou après la Seconde
Guerre mondiale, lorsque les transferts techniques de plus en plus importants vers
les pays du sud sont dénoncés comme l’exportation sans nuance des grandes
technologies occidentales fondées sur le pétrole et peu adaptées aux besoins du
Tiers Monde. Dans les années 1960-1970, beaucoup ont cherché également à
définir ce que seraient des technologies douces, susceptibles de répondre aux
défis énergétiques et à la hausse des prix du pétrole. Qu’il s’agisse des
technologies « intermédiaires » (E. F. Schumacher),
« libératrices » (M. Boochkin), « démocratiques » (L. Mumford)
ou encore « conviviales » (I. Illich), il s’agissait d’imaginer
des trajectoires techniques à petite échelle, décentralisées, sobres en
énergie, respectueuses de l’environnement et à forte utilisation de
main-d’œuvre. S’émancipant des alternative trompeuses et trop binaires en terme
de refus ou d’acception des techniques, ces auteurs et beaucoup d’ingénieurs et
de bricoleurs avec eux, ont cherché à penser ce que serait des dispositifs à la
fois socialement bénéfiques, écologiquement durables et politiquement
démocratiques. Plusieurs
axes de réflexions pourraient être envisagés :1- Qu’est ce qu’une énergie alternative ?Tout d’abord, il convient de mener une réflexion sur les
mots et les catégories utilisées pour penser les systèmes énergétiques, et sur
l’évolution du langage pour décrire les choix énergétiques. A quel moment une
technologie est-elle considérée comme alternative, alternative à quoi ? Comment
des énergies d’abord pensées comme alternatives peuvent devenir ensuite
dominantes ? Quelles sont les formes de cette domination énergétique, et
comment s’impose t-elle ? 2- « Modernité de la tradition » et usages des
énergies renouvelables.Dans la continuité de nombreux travaux (S. Benoit,
Louis Hunter), l’enjeu pourrait également être de réévaluer la part des
énergies dites renouvelables dans le mix énergétique global des sociétés
passées. Il s’agira d’interroger l’importance et la persistance des usages de
l’hydraulique, de l’éolien, ou des animaux, souvent peu visibles, dans les
trajectoires économiques et industrielles passées.3- Politisation et controverses énergétiques.Comment
les trajectoires énergétiques dominantes ont-elles été contestées et critiquées,
existe-t-il des moments de doutes particulièrement puissants à l’image des
années 1970 ? A l’inverse, par quels processus politiques, sociaux,
culturels ou encore techniques les trajectoires énergétiques alternatives
ont-elles été redéfinies, reléguées voire disqualifiées ? 4- Utopies, expérimentations et bricolages.Face aux
apories des trajectoires dominantes, quelles technologies alternatives ?
Comment s’opère l’innovation dans ce domaine : il s’agirait de
s’intéresser au plus près aux conditions matérielles de l’innovation :
financements, processus pratique d’élaboration des prototypes, rapport à la
recherche scientifique institutionnalisée. Qui sont les acteurs et les
militants derrière la contestation des choix énergétiques ? L’image
ambivalente – le cliché ? – du bricoleur dont on salue
l’inventivité tout en doutant de la possibilité d’appliquer ses recettes à
grande échelle est-elle juste ? 5- Circulation théorique et technique des énergies
alternatives.Comment
ces réflexions et les premières réalisations circulent-elles entre des espaces
sociaux distincts (chercheurs, ingénieurs, militants, intellectuels) ?
Quelle est la circulation transnationale de ces idées et de ces pratiques entourant
les énergies alternatives ? 6- Patrimoine et mémoire des énergies alternatives.Si ces
expériences ont fréquemment été neutralisées, leur mémoire n’a cessé de
subsister et d’être périodiquement réactivée, certains projets de
patrimonialisation ont cherché à restaurer la mémoire de ces expériences dans
quel but ? Avec quelle finalité ? Qui sont les acteurs derrière ce
processus ?
Comité d'organisation
Comité d'organisation
François Jarrige (Université de Bourgogne- IUF)
Alexis Vrignon (Université de Nantes)
Comité
scientifique :
Yves Bouvier (Université Paris 4)François Jarrige (Université de Bourgogne- IUF)Thomas Le Roux (CNRS-EHESS)Geneviève Massard-Guilbaud (EHESS)Charles-François Mathis (Université Bordeaux 3)Jean-Louis Tornatore (Université de Bourgogne)Xavier Vigna (Université de Bourgogne)Alexis Vrignon (Université de Nantes)
- [ATHENA] Appel à communication, colloque histoire des énergies alternatives, Thomas Le Roux, 05/09/2017
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