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athena - [ATHENA] L'histoire et les "archives essentielles"

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Objet : Histoire des techniques

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[ATHENA] L'histoire et les "archives essentielles"


Chronologique Discussions 
  • From: Christiane Demeulenaere <christiane.demeulenaere AT gmail.com>
  • To: Diffusion-hist des techniques <athena AT services.cnrs.fr>
  • Subject: [ATHENA] L'histoire et les "archives essentielles"
  • Date: Wed, 22 Nov 2017 01:22:45 +0100
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Raphaëlle Branche vient de lancer notre pétition sur les archives. Merci de la signer!

http://chn.ge/2zVYTeJ



L'initiative est partie des historiens du politique et de l'économie. 

Rappel des épisodes précédents : 



Pour éviter une crise patrimoniale : les dangers d’une gestion  à court terme des Archives nationales et départementales


Le projet du ministère de la culture, intitulé « Cap 2022 », soumis aux syndicats contient une série de propositions qui dessinent l’avenir des Archives Nationales, mais aussi départementales. L’une d’entre elles a légitimement inquiété nombre d’historiens sur l’avenir de la recherche : l’État limiterait désormais la collecte aux « Archives essentielles pour les générations futures ». Ce choix s’appuie sur une réflexion scientifique fondée sur le modèle canadien – d’ailleurs discutable (rapport de Christine Nougaret). Son adoption dans l’urgence et sans concertation répond à une nouvelle impasse née de la saturation rapide du site de Pierrefitte-sur-Seine. 

C’est pourquoi d’autres mesures radicales devraient être mises en œuvre : des documents déjà archivés sont d’ores réévalués et pilonnés (par exemple le dépôt légal des éditeurs). Des « réévaluations en stock de 15 Km d’archives » sont annoncées. D’autres documents, qui n’ont jamais été produits sous format numérique, ne seraient sauvegardés que sous cette forme ; les originaux étant également éliminés pour limiter les frais de gestion. Ces propositions sont intolérables en elles-mêmes. Qui définit ce qui doit être éliminé, ce qui doit être éliminé, et selon quels critères ? C’est un plan technocratique qui ne se situe que dans l'objectif de la réduction des coûts. Un débat scientifique et démocratique serait nécessaire, mais ici tout est fait pour dissimuler les questions qui gênent et tout  gérer en interne. Des responsables et personnels sélectionnés décident de tous les choix seuls – même en dehors de leurs collègues. Vont-ils décider de la recherche du futur, détruire des fonds sans contrôle externes avec un objectif premier fort peu scientifique : limiter les métrages linéaires ?

Ces propositions constituent un exemple de gestion à court terme qui peut préparer une catastrophe à venir plus grande. De récentes fermetures non programmées de la salle de consultation révèlent aussi une situation immédiate non contrôlée, une gestion sans boussole qui rappelle les pires heures des Archives nationales à l’orée de ce siècle.

Comment en est-on arrivé à cette situation critique, moins de quatre ans après l’ouverture du site de Pierrefitte-sur-Seine ? Créé à la suite d’une mobilisation exemplaire d’archivistes et d’historiens réunis dans l’association « Une cité pour les Archives nationales » ce centre a fonctionné durant trois années à la satisfaction quasi-générale, avec une augmentation lente mais régulière de sa fréquentation. Le nouveau site était prévu, rappelons-le, pour répondre aux besoins durant un quart de siècle. Il dispose, de plus, d’une réserve foncière permettant de construire un deuxième bâtiment de stockage. 

Trois raisons principales expliquent l’impasse actuelle. 

Pour faire accepter le projet de Pierrefitte, coûteux, il a été sous-dimensionné : alors qu’une partie des locaux n’ont pas été aménagés, le stock d’archives en attente dans les missions des archives des ministères a été grandement sous-estimé. 

Les réformes administratives décidées par Nicolas Sarkozy, comme la RGPP, ou la suppression des Renseignements généraux et de nombreux tribunaux, ont été suivis de versements massifs à Paris comme en régions. 

Préoccupante à terme, la situation est devenue ingérable avec la fermeture du site sinistré de Fontainebleau, dont les archives doivent être transférées à Pierrefitte dans l’urgence. Elles vont occuper pratiquement toute la place de réserve dont dispose Pierrefitte, à condition que la partie vide soit aménagée. 

Cette situation était connue, et deux rapports officiels – de la Cour des comptes (novembre 2016) et de la commission des Finances du Sénat (février 2017) – ont affirmé la nécessité d’aménager la zone vide de Pierrefitte, et d’entamer sans attendre la construction du nouveau bâtiment. Seul le premier point semble acquis. Faute de voir programmer la construction du deuxième bâtiment, la direction des Archives de France cherche à gagner du temps et propose les solutions évoquées, attendant le « miracle » futur des archives numériques. Les services d’Hervé Lemoine ont donné depuis plusieurs années aux missions ministérielles des instructions chiffrées, afin de limiter les nouvelles entrées à 5 km linéaires d’archives par an. Avec, en priorité, les papiers présidentiels, ministériels et ceux des cabinets. Quels autres fonds sont conservés ? Il n’est pas possible de le savoir. Quelle part, par exemple, des archives policières, si précieuses à nombre d’historiens, est-elle conservée ? Les documents administratifs nécessaires à l’établissement des droits des personnes seront-ils sacrifiés ? On sait qu’il a été envisagé un temps de détruire les dossiers de naturalisation qui, effectivement, occupent un kilométrage considérable. On aimerait être sûr que les Archives ont totalement renoncé à cette ineptie.

Maurice Vaïsse observe avec raison : 

« En soi, la destruction d’archives ne m'apparait pas comme condamnable. Chacun de nous sait qu’on ne peut tout garder. Le principe de destruction est admis ; et il existe même un plan de destruction très organisé.

Le tout est de s’entendre sur ce que l’on appelle « archives essentielles ». Et c’est là qu’en partisan inconditionnel de l’entente la plus étroite entre archivistes et historiens, j’estime que les décisions de destruction devraient être prises, non pas par les seuls archivistes et dans le secret des Compactus, mais en concertation ».

 

Résumons. Historiens, chercheurs et archivistes devraient pouvoir s’entendre pour demander :

-           L’engagement de la construction de l’annexe de Pierrefitte pour éviter une catastrophe patrimoniale dans moins de cinq ans. Avec le temps des études préalables, ce sera déjà extrêmement juste,

-           Un état de la situation actuelle et des besoins à venir (à moyen et long terme) des Archives nationales, mais aussi des archives départementales. Plusieurs d’entre elles sont obligées désormais de fermer un ou plusieurs jours par semaine, sans réaction, semble-t-il, des Archives de France, chargées de coordonner le réseau,

-           La création d’une instance collégiale des choix, comprenant des historiens en nombre suffisant, avant les décisions définitives d’élimination. Les modalités de la désignation de ceux-ci devraient être transparentes.

-           La transparence dans les décisions prises d’élimination ; clarifier, dans la concertation, ce qui est entendu par archives essentielles

-           La prise en charge de la question du personnel. En supprimant notamment, comme le proposait la Cour des Comptes, les écarts de primes avec les autres secteurs du ministère, qui conduisent régulièrement à des mutations internes. Et en cessant de gérer la pénurie par l’emploi de vacataires dont le recrutement ne suit pas les besoins réels. Cette absence de gestion a conduit depuis le printemps dernier à limiter les communications de documents et à décréter quasiment du jour au lendemain des fermetures de plusieurs jours. Les nombreux départs à la retraite à venir et les mutations déjà décidées ne pourront que renouveler ces dérives d’un service public mal en en péril.

 

Liens de référence (à coller dans la barre supérieure de votre navigateur) : 

• Article du Monde du 14 novembre 2017

http://www.lemonde.fr/culture/article/2017/11/14/les-pistes-de-reformes-envisagees-pour-la-culture_5214495_3246.html

• Communiqués par la CFDT-Archives

[1] https://wp.me/p8C2qJ-G7

[2] http://www.cfdt-culture.org/wp/wp-content/uploads/2017/11/20171103_Contribution_MInistereCulture_CAP2022.pdf

[3] http://www.cfdt-culture.org/wp/wp-content/uploads/2017/11/20171114_-AP22_CTAC_CHSCTAC_CTM_2017.pdf

[4] https://wp.me/p8C2qJ-EX

[5] http://www.cfdt-culture.org/wp/wp-content/uploads/2017/11/20171114_CFDTCULTURE_CAP22_DepecageMinistereCulture.pdf

• Rapport de Christine Nougaret à la ministre de la Culture : « Une stratégie nationale pour la collecte et l’accès aux archives publiques à l'ère numérique » 

https://francearchives.fr/article/28204701

• Rapport de la Cour des comptes sur les Archives

http://www.senat.fr/fileadmin/Fichiers/Images/commission/finances/Auditions/Les_archives_nationales_-_CF_Senat.pdf

• Rapport du Sénat sur les Archives : 

https://www.senat.fr/notice-rapport/2016/r16-358-notice.html

 • Audition au Sénat du 1er février 2017 :

http://videos.senat.fr/video.312543_588fcb376a3f2.archives-nationales---audition-pour-suite-a-donner-a-enquete-cour-des-comptes
L'ensemble de l'audition est bien sûr intéressante. Le passage sur nos pratiques est à partir de 12’29.

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  • [ATHENA] L'histoire et les "archives essentielles", Christiane Demeulenaere, 22/11/2017

Archives gérées par MHonArc 2.6.18.

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