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[Athena] L'universitaire et la sénatrice. Lettre ouverte à Laure Darcos. *Newsletter d'Academia du 26 octobre au 8 novembre 2020*
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- Subject: [Athena] L'universitaire et la sénatrice. Lettre ouverte à Laure Darcos. *Newsletter d'Academia du 26 octobre au 8 novembre 2020*
- Date: Mon, 9 Nov 2020 14:19:27 +0100
Sur Academia en résistance
Academia est un carnet de veille et d’analyse sur l’emploi dans l’enseignement supérieur et la recherche, notamment en sciences humaines et sociales. Il est réalisé par une équipe de rédaction, venue de différentes disciplines et de différents métiers de l’ESR. Nous sommes très heureux d’accueillir des deux dernières semaine Florent Figon : bienvenue !
Semaine du 26
octobre au 8 novembre 2020
– L’universitaire
et la sénatrice. Lettre ouverte à Laure Darcos
Vous ne me connaissez pas, moi à peine plus : d’ici quelques heures nos chemins, à l’issue de la Commission mixte paritaire dans laquelle vous tiendrez la place éminente qui a été la vôtre au début du processus législatif — la Loi de programmation pour la recherche 2021-2030 et autres dispositions délétères — qui m’occupe depuis près d’un an, comme universitaire et comme fondatrice d’un blog, Academia.hypotheses.org qui en a documenté jusqu’en ses derniers rebondissements.
Nous sommes début novembre : il y a un an quasiment jour pour jour, Anas, étudiant en science politique de l’Université de Lyon-2 tentait de mettre fin à ses jours par le feu. Désespéré par les conditions de précarité dans lesquelles il vivait, ce jeune homme s’était engagé très tôt contre la précarisation générale qu’il voyait à l’université, et dont la fusion des universités et établissements stéphanoise et lyonnaises dans un Idex représentait un dernier avatar des évolutions délétères en cours. Par son geste — et sans en mesurer les conséquences — il a initié une série de mouvements, à commencer par la grève étudiante, puis celle des enseignant∙es et chercheur∙ses non titulaires dits « précaires », avant d’enclencher celle de toute l’Université au printemps contre la Loi que vous finaliserez peut-être peut-être cet après-midi.
Depuis le début de l’année, Academia publie quotidiennement des billets sur ce formidable mouvement. Au sein de la rédaction, je me suis donné le rôle de rédiger un éditorial hebdomadaire, dit « Newsletter », exercice consistant à établir la table des matières des billets publiés dans la semaine et depuis six mois, à en faire une chronique, la contrainte tenant à mettre en lien dans le texte la totalité des billets de la semaine. La Newsletter de cette semaine prendra un peu de liberté avec cette règle : le choc de la « nuit noire au Sénat » m’a empêchée de tenir la chronique de la semaine dernière — je me retrouve donc avec deux semaines de matière éditoriale, qui n’a cessé de croître à mesure que la fébrilité gagnait. Elle prend aussi une liberté formelle : je vous fais une lettre, à laquelle je pense depuis longtemps, et que vous lirez peut-être.
J’ai opté pour ce format, avant de me souvenir de l’analogie entre nos métiers et nos vocations respectives, esquissée par Max Weber dans Le savant et le politique. En raison du confinement, je n’ai pas eu accès qu’au pan récemment retraduit par Isabelle Kalinowski sous le titre La science, profession et vocation, (Marseille, Agone. 2005) — initialement prononcé comme une conférence à l’invitation de l’association libre des étudiants, en 1917, avant de donner son pendant « Le métier et la profession de politique » en 1919. Weber, à la culture immense — allant de l’économie et de l’histoire au droit, discipline dans laquelle il était habilité — était au sommet d’une carrière partagée entre enseignement, recherche, et recherche appliquée au service du gouvernement de l’Empire allemand. Pourtant, à quelques années de sa mort en 1920, il avait choisi de donner sa faveur à la démocratie. Dans La science, comme métier et profession, Weber dresse un portrait assez misérable de l’université allemande, notamment des contraintes qui pèsent sur le début de carrière académique, contraintes ou plutôt exploitation des Privatdozent. Lorsque j’avais lu ce texte avec mes étudiant∙es, j’avais été frappée par l’actualité de cette conférence à un siècle d’écart. Peut-être est-ce pour cela que j’ai voulu y revenir aujourd’hui en vous invitant, Madame la sénatrice, à me lire.
L’idée de m’adresser à vous m’est venue en écoutant les derniers moments de l’examen de la loi au Palais du Luxembourg. Vous vous étiez émue alors — je ne me souviens plus de vos mots exacts, et le temps manque pour les retrouver : c’était l’émotion d’une femme se défendant de soupçons de malhonnêteté au vu de l’énorme réaction suscitée par votre amendement 234 proposant d’encadrer les libertés académiques par les « valeurs de la République », indice a minima de votre engagement et du sentiment d’incompréhension, voire de trahison.
À l’occasion de la chronique de cette semaine, où nos vies se sont entremêlées, je tenterais une description de ce qui fait mon métier et ma vocation aujourd’hui. Peut-être y verrez-vous comme moi des proximités avec celui de sénatrice.
Lire la suite : https://academia.hypotheses.org/28055
Dans l’espérance qu’elle vous aura permis d’avancer encore sur le chemin de la découverte du monde universitaire, dans sa pluralité, ses contradictions, mais aussi ses valeurs — intégrité, collégialité, critique, émancipation — je vous prie d’agréer, Madame la sénatrice, mes salutations républicaines,
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maîtresse de conférences, EHESS-Cermes3
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- [Athena] L'universitaire et la sénatrice. Lettre ouverte à Laure Darcos. *Newsletter d'Academia du 26 octobre au 8 novembre 2020*, Christelle Rabier, 09/11/2020
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