Présentation de la séance :
Comment se construisent la légitimation ou la disqualification médiatique des prises de position du personnel académique scientifique ? Quelle est la valeur de la parole scientifique lorsqu’elle entre en scène par le biais des médias ? Le mélange des voix influe directement sur la réception d’une vérité, d’un fait, alors soumis à plusieurs couches d’explicitations qui brouillent les pistes. Les médias dès lors font-ils écran ou sont-ils un écran pour la Science ? Les récentes controverses nous invitent à interroger les formes d’une dramatisation de la Science, mise en scène ou alimentée par les médias, amenant à interroger le rapport journalistes/scientifiques, les représentations et jeux d’autorité à l’œuvre.
Intervenants :
Jean-François Ternay
Enseignant-Chercheur. Université de Paris. Master Sciences et Médias
QUI parle dans le documentaire scientifique ?
Résumé : Les films qui traitent de science, diffusés par la télévision, se proposent pour la plupart d’être les intercesseurs entre une production de savoirs scientifiques et un public plus ou moins profane. Il ne s’agit pas toujours de savoirs établis ; ceux-ci peuvent être en cours de construction, parfois controversés dans la communauté scientifique ou encore être des savoirs dont certaines applications peuvent être remises en cause par la société.
Le champ est vaste et les manières de traiter ces films relèvent de différentes factures : documentaires de création et films d’investigation, reportages, films militants, spectacles divertissants, films pédagogiques…
Ce faisant, afin de mieux comprendre les volontés effectives de transmission d’un savoir dans ces films, il est intéressant de se poser la question des locuteurs : qui parle ? Les auteurs scientifiques ? Les réalisateurs ? Les journalistes ? Et parlent-ils en leurs noms ? Au nom de leurs institutions ? De leurs entreprises ? Voire de leur producteurs ? Et quand ils parlent « en leurs noms », leur regard est-il « scientifique » ou à celui-ci se mêle-t-il d’autres éclairages : leurs combats pour une cause, leurs croyances, leurs idéologies, et leurs intérêts : scientifiques, mais aussi politiques, économiques ?
D’autant plus que ces locuteurs fonctionnent souvent en cascades plus ou moins repérables : « ON », qui caractérise une voix off qui prend le point de vue de « Dieu », peut-être repris par la voix d’un journaliste, qui invite un scientifique, qui lui-même cite d’autres scientifiques, d’autres experts… produisant parfois un enchevêtrement de locuteurs qui fait que le spectateur se trouve dans l’incapacité de situer la parole qui lui est proposée et par là même d’appréhender le « quoi » et le « pourquoi » de ce qu’on lui dit.
De là à brouiller les citoyens dans leur relation au savoir et à la science, et à brouiller les élèves avec leurs enseignants en science, il n’y a qu’un pas, comme je voudrais le montrer dans quelques exemples de films de sciences diffusés en télévision.
Sylvestre Huet
Journaliste scientifique, Blog http://huet.blog.lemonde.fr/
Delfraissy 39 000 résultats Google, Raoult 4 000 000
Actualité oblige, les aventures des médecins et microbiologistes en temps de Covid-19 (et les responsabilités des directions d’institutions scientifiques comme des chefs de rédactions) La déjà longue et instructive histoire des sciences du climat et de leurs négationnistes sortis de quelques laboratoires avec le soutien de responsables politiques et de directeurs de rédactions. Dans un domaine très différent : comment oser écrire que la philosophie (du moins celle utilisée comme appât commercial éditorial) de la star mondiale Stephen Hawking ne vaut pas tripette. L’irruption brutale des réseaux des plateformes numériques dans les rapports entre science et citoyens.
Ma conclusion portera sur l’enjeu médiatique du défi démocratique majeur du 21ème siècle relatif à l’usage des technologies.
Organisatrice :
Alexia Jolivet,
Maître de Conférences en sciences de l’information et de la communication, Laboratoire E.S.T. (Études sur les Sciences et les Techniques), Université Paris-Saclay