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Objet : Histoire des techniques
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- From: Christelle Rabier <christelle.rabier AT gmail.com>
- Subject: [Athena] Démocratie. Newsletter du 5 au 11 octobre 2020
- Date: Wed, 14 Oct 2020 01:50:29 +0200
Sur Academia mobilisée
Academia est un carnet de veille et d’analyse sur l’emploi dans l’enseignement supérieur et la recherche, notamment en sciences humaines et sociales. Il est réalisé par une équipe de rédaction, venue de différentes disciplines et de différents métiers de l’ESR. Pierre Nocerino et Tiphaine-Annabelle Besnard nous ont rejoints : bienvenue !
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Semaine du 5 au 11octobre 2020
– Démocratie
Au moment où je mets la dernière main à cet éditorial, une journée de mobilisation s’achève : joyeuse, colorée, inventive, peu nombreuse, mais active sur tout le territoire, et mobilisée en ligne, grâce aux centaines de courriels qui continuent d’arriver dans les boîtes des sénatrices et des sénateurs. Une chose est sûre : en dépit de la stratégie du choc suivi par le gouvernement, le vote de la Loi de programmation de la recherche 2021-2030, quelle soit l’issue de la procédure d’amendement, n’entamera pas le rejet quasi unanime de sa loi, de son idéologie, de la conception des métiers et des missions qu’elle incarne. Quels seront les moyens de la résistance ? « Grève, rétention des notes ou blocage », sans doute ; autogestion dans doute ; internationalisation des luttes, certainement. L’imagination restera au pouvoir.
L’intuition s’est faite évidence lorsqu’Emmanuelle Charpentier a reçu son prix Nobel : capitalisant sans vergogne sur sa nationalité, le gouvernement a pourtant salué une femme qui a pris son indépendance à l’étranger, faute de pouvoir rester travailler en France. Elle a eu ainsi des mots aussi attristés que cruels sur les conditions de travail indignes et les chiches financements accordés à ses collègues, avec l’ANR — cet outil de découragement des chercheurs et aux chercheuses. La faiblesse des moyens, la concurrence du marché de l’emploi, conduit à des situations personnelles dégradées : à l’occasion d’une phrase lancée au vol à l’Université Paris-Saclay — « Un doctorant qui ne déprime pas, ce n’est pas un bon doctorant » — Pierre Nocerino revient sur son parcours et interroge, dans la recherche par analogie à la bande-dessinée, les modes de « responsabilisation de soi » qui empêchent de percevoir les dysfonctionnements qui ne sont pas de leurs responsabilités. Devant le massacre humain, ne devrait-on pas dire plutôt : dire « Un doctorant qui ne déprime pas, c’est peu probable vu la manière dont le travail est organisé» ? Aussi la prix Nobel a confirmé, par son parcours, ce que la Ministre a signifié au Sénat, lors de son audition le même jour : « La recherche française a décroché ».
Old cameras, by Bill Smith, 2017
La recherche a décroché, l’enseignement est à l’os. Le passage en début de semaine aux nouvelles normes sanitaires a tout à la fois manifesté la paucité, sinon l’inexistence des moyens humains restant à l’enseignement dit « supérieur », le défaut d’encadrement, d’espaces de travail et « de place pour s’asseoir », le dévouement des enseignants et des enseignantes, mais aussi celui des collègues qui assument des tâches de direction : Caroline nous a relaté ce que voulait dire — dans son université, Rennes-2, qui a toujours veillé à maintenir un emploi de qualité à la scolarité — le passage à demi-jauge, le nombres de courriels à écrire pour trouver une solution aux étudiant∙es, rajoutant un temps plein de travail à celui déjà pris par l’enseignement. Pour Olga, plus prosaïquement, cela veut dire couper le lien pédagogique, faute d’équipement de qualité suffisante. Le doyen Gabriel, qui a passé son été à organiser bâtiments et enseignements pour limiter les difficultés d’une rentrée épidémique, a vu en vingt-quatre heures les trésors d’intelligence et de travail collectif évanouis dans une décision quasi arbitraire de la Ministre.
Bien que la qualité de leur enseignement, et le bon accès des étudiant∙es à celui-ci, soucient la plupart des universitaires, certains préfèrent soutenir un collègue incompétent et homophobe, plutôt que d’accéder aux demandes répétées des étudiant∙es, caméra au poing, d’accéder également à des cours de qualité. L’incurie, l’incompétence et surtout le mépris des responsables ministériels – Anne-Sophie Barthez, Thierry Coulhon, Frédérique Vidal en tête — aura raison de la patience des serviteurs les plus fidèles de l’État, tous et toutes très inquiet∙es pour les étudiant∙es, déjà bien malmené∙es les six derniers mois. Pendant ce temps-là, l’Université de Paris défend la « DeeptechTour2020 » : même la parodique RealUNIVFrance, désormais Université Emmanuelle Charpentier (Sorbonne), se sent distancée par l’absurdité du gouvernement universitaire. Devant la coupure entre administration et communauté, la question de la démocratie universitaire et de la pérennité du service collectif se pose encore plus vivement.
Alors que les tâches d’enseignement s’intensifiaient, la loi poursuivant son parcours, avec un détour vers le protocole indemnitaire, péniblement négocié par quelques organisations (syndicales) en échange de leur vote le 18 juin au CNESER, contre lequel la CGT a fait un recours, au vu des graves dysfonctionnements — et de leur signature l’avant-veille de l’examen du texte par la commission de la culture, présidée par Laurent Lafon (Groupe Union centriste) et de la présentation du rapport de Laure Darcos (Les Républicains). Un simple plat de lentilles, un renoncement même pour le SGEN-Cfdt, sur les ruines fumantes de l’Université qui voit partir de ses jeunes chercheurs et chercheuses, suivant la voie brillamment ouverte par Emmanuelle Charpentier. Academia a découvert, écœurée, les auditions de Thierry Coulhon devant les deux chambres du Parlement : elles seront expédiées fissa le mercredi 21 octobre au matin, sans une nouvelle mobilisation de la communauté pour activement dénoncer le scandale à répétition de cette prise de pouvoir et le caractère morbide de la philosophie universitaire que le Conseiller présidentiel incarne, pour qui créativité, transmission, prise de risque, pluralité épistémologique, sont des mots vides de sens. Le prenant au mot, le SNESUP a proposé un classement des universités selon leur souci de ne pas promouvoir les collègues.
À la hauteur de ses moyens d’action, Academia a proposé plusieurs amendements, afin de limiter les effets les plus délétères de la loi. Par bonheur, de l’autre côté de l’Atlantique, à University of Princeton, les femmes universitaires financièrement lésées depuis plusieurs années viennent d’obtenir compensation des discriminations salariales subies, à hauteur de 1,2 millions d’euros : une nouvelle idée pour 2021 ?
Loi de programmation de recherche 2021-2030 : déni de démocratie Conférence de presseMercredi 14 octobre, 9h-10h
Avec : · les députées Elsa Faucillon (PCF) et Muriel Ressiguier (LFI) ; · les élues CNESER Frédérique Bey (CGT FercSup), Jaspal de Oliveira Gill (L’Alternative) et Maryam Pougetoux (Unef) · ainsi que les membres de la rédaction d’Academia, Julien Gossa (Université de Strasbourg), Christelle Rabier (EHESS) et Noe Wagener (UPEC)
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La fabrique de la loi
Frédérique Vidal auditionnée à la Commission de la culture. En direct, chronique par Christelle Rabier, 7 octobre 2020
Né·es avant la honte. Le président, les ministres et la prix Nobel française, 8 octobre 2020
#32 - [Opération Protokol] Vas-tu signer ? Le protocole du Ministère, les syndicats et le vote de la LPPR, 8 octobre 2020
#33 - « Grève, rétention des notes ou blocage ». Communiqué de l’ANCMSP, 9 octobre 2020
#34 - Academia fait des amendements (1/2), 9 octobre 2020
[Opération Protokol] Antiphrase : définition par le SGEN-Cfdt, 10 octobre 2020
#35 -Les auditions parlementaires de Thierry Coulhon : 21 octobre, 9h et 11h30, 10 octobre 2020
#36 - Travail d’archives (3) — Le recours grâcieux des élu·es CNESER resté sans réponse, 11 octobre 2020
#37 - Se manifester aux sénatrices et aux sénateurs le 13 octobre 2020 : les courriels !, 11 octobre 2020
Nous sommes l’ESR
- L’ANR, outil de découragement des chercheurs, 5 octobre 2020
- Le doyen Gabriel en a marre, 6 octobre 2020
- Caroline vous explique le passage à demi-jauge, 6 octobre 2020
- Le 13 octobre, mobilisons nous !, 6 octobre 2020
- « Un doctorant qui ne déprime pas, ce n’est pas un bon doctorant », par Pierre Nocerino, 7 octobre 2020
- Don’t forget me…, par Pénélope II, le retour, 8 octobre 2020
- Julien ne veut pas être président de l’Université de Strasbourg, 10 octobre 2020
Vie des Universités et des EPST
- [Gouverner Paris-1] S2E3 Caméra au poing, par Christelle Rabier, 11 octobre 2020
_expression_ syndicale
- Podiums « dévalorisation – pas de promo », par Snesup, 6 octobre 2020
From Rue Descartes
Rubrique non renseignée, faute de politique ESR digne de ce nom.
Revue de presse
- « Il n’y avait pas de place pour s’asseoir ». La rentrée universitaire selon France Info, 6 octobre 2020
- « La recherche française décroche », reconnaît Frédérique Vidal sur Public Sénat, 8 octobre 2020
Plutôt en rire
- Quand tu réfléchis à une organisation des TD conforme aux nouvelles règles sanitaires…, 6 octobre 2020
- Jour 1 du distanciel pour Olga, 6 octobre 2020
- S’enfoncer : la voie tracée par Université de Paris, 11 octobre 2020
Ailleurs dans le monde
- Appel aux autorités turques pour la libération immédiate des défenseur·es de la paix !, 6 octobre 2020
- Suisse: pétition nationale pour mettre fin à la précarité dans les universités, 6 novembre 2020
- 1,2 millions de dollars versés par l’Université de Princeton aux femmes en compensation des discriminations liées au genre, 7 octobre 2020
Christelle Rabier, pour la rédaction
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maîtresse de conférences, EHESS-Cermes3
- [Athena] Démocratie. Newsletter du 5 au 11 octobre 2020, Christelle Rabier, 14/10/2020
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