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athena - Re: [ATHENA] Motion de la 22e section du CNU contre le serment doctoral

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Objet : Histoire des techniques

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Re: [ATHENA] Motion de la 22e section du CNU contre le serment doctoral


Chronologique Discussions  
  • From: Christelle Rabier <christelle.rabier AT gmail.com>
  • Subject: Re: [ATHENA] Motion de la 22e section du CNU contre le serment doctoral
  • Date: Fri, 3 Feb 2023 22:39:59 +0100

Chère Liliane, chers et chères collègues,

la rédaction d'Academia suivant ces affaires de serment depuis la LPR, je me permets de partager le commentaire d'un collègue juriste, membre de la rédaction au sujet de la mention :

Le 03/02/2023 à 19:53, noewagener a dit : Modifier

Je ne veux pas particulièrement polémiquer (on n’a pas trop le temps pour cela en ce moment), mais je suis surpris qu’au moment où l’université explose littéralement de tous les côtés, la section 22, pourtant pleine de collègues magnifiques, estime que la priorité est à produire un communiqué atrocement pompeux contre le serment que doivent prononcer les doctorant.es au titre d’une obligation nouvelle issue de la LPR. Il n’y a pas de petits combats, certes. Mais en appeler à la désobéissance contre ce serment, c’est à mon avis un faux combat, et peut-être même une connerie.

Un faux combat, d’abord : c’est vrai que le serment est un outil juridique dont les relents furent très souvent réactionnaires. Et personne n’oublie – surtout pas le sénateur Ouzoulias à l’origine de l’amendement, quoique celui-ci fut quelque peu reformulé par le cabinet Vidal – que l’Italie fasciste exigeait des universitaires un serment de loyauté politique. Mais ce serment là, contre lequel la section 22 se lève, ne porte pas atteinte à la liberté académique. Il n’y porte pas atteinte par son contenu (même si, à la rigueur, on peut défendre qu’on ouvre la boîte de Pandore et que la prochaine étape est le serment de “loyauté à la nation” ou je ne sais quelle autre horreur funeste). Mais il n’y porte de toutes façons pas atteinte par sa force juridique : heureusement, la liberté académique, à peu près constitutionnellement protégée, ne tremble pas devant un misérable petit arrêté ministériel. Pas vraiment besoin d’en appeler aux sections juridiques, donc.

Cette motion est peut-être aussi une connerie car ce serment, au contraire, met un pied dans la porte et rouvre un combat largement perdu de vue en France. Il remet sur la table l’idée que le grade de docteur confère un statut inaliénable attaché à la personne qui le reçoit, et qui suit cette personne dans tous ses emplois, y compris – drôle d’idée – si elle choisit de rejoindre une entreprise marchande. Ce n’est pas grand chose, ce serment, mais il ouvre un linéament d’obligation statutaire attachée à la personne au coeur de cette institution centrale du capitalisme qu’est l’emploi, et sur laquelle, donc, l’employeur perd prise. Ce faisant, c’est un point d’appui que l’on introduit pour qu’un.e docteur.e recruté.e par une entreprise puisse refuser d’être associé.e a des résultats scientifiques que cette entreprise a biaisés comme les entreprises savent si bien le faire. Qui sait, ce sera peut-être aussi un point d’appui pour contrer le licenciement d’un.e docteur.e qui, au titre de son serment, aura refusé de cautionner des résultats scientifiques qu’il ou elle sait faussé. Bref, ce n’est vraiment pas grand chose, ce serment ; mais ça remet sur la table l’idée que le titre de docteur produit un rapport à l’intégrité scientifique particulier, qui est hors marché, c’est-à-dire contre lequel le marchand qui emploie ne peut rien. Sauf à ce que ledit ou ladite docteur.e choisisse d’aller contre son serment, donc piétine son titre de docteur et prenne le risque de… le perdre. Alors, OK, le CNU est garant de l’intégrité scientifique des universitaires, comme le rappelle la motion ; mais structurellement, 50% des docteur.es sortent du monde académique trois ans après le diplôme – et il va bien falloir que l’on réfléchisse à ce que l’on veut, à l’université, pour ces porteur.es de savoir qui partent dans le monde, au-delà de vouloir qu’ils et elles trouvent un emploi.

C’est vrai aussi que prêter serment est un spectacle un peu ridicule. Mais la soutenance de thèse est elle-même un exercice si codifiée que le ridicule, elle ne le craint pas. Et puis surtout, quand on sait la chute libre que connaît la liberté académique dans nos établissements maintenus sans moyens et placés en concurrence, ce n’est pas dans ce serment que le sort de la liberté académique se joue. Franchement.


Amicalement,
Christelle Rabier
_______________________

maîtresse de conférences en sciences sociales, Ehess (site Marseille)





Le ven. 3 févr. 2023 à 18:29, liliane.perez <athena AT services.cnrs.fr> a écrit :
Chères et chers collègues,

La 22e section du CNU vient d'adopter à l'unanimité, contre l'introduction du serment doctoral, la motion dont le texte est reproduit ci-dessous.

Bien cordialement,

Liliane Pérez.





Motion contre le serment doctoral adoptée à l’unanimité par la 22e section du CNU



3 février 2023



Attachée à la promotion et à la défense de l’intégrité scientifique dont elle est l’une des garantes avec les autres sections du Conseil national des Universités, la 22e section du CNU, réunie en session plénière, alerte la communauté universitaire sur les menaces graves que le serment des doctorantes et des doctorants, établi à compter du 1er janvier 2023, fait peser, par son existence comme par sa formulation, non seulement sur les libertés académiques, mais aussi sur le diplôme de doctorat lui-même, en introduisant le principe d’un contrôle moral de l’enseignement et de la recherche.



Elle demande à la CP CNU de se saisir de la question et aux collègues des Sections juridiques de se pencher sur les textes et d’engager des recours contre eux par toutes les voies possibles ;



Elle appelle les Ecoles doctorales et la communauté universitaire dans son ensemble à résister collectivement, par tous les moyens possibles, à l’introduction de ce serment ;



Elle invite les doctorants et les doctorantes en cours de doctorat à refuser, comme la loi le leur permet, de signer des avenants à la charte des études doctorales de leur université qui introduiraient ce serment et à refuser de prêter ce serment en l’état ; elle demande à l’ensemble de la communauté universitaire de les soutenir dans cette démarche et de les protéger contre les éventuelles conséquences de celle-ci ;



Elle souligne que rien dans les textes (loi de 2020 ; article 19bis de l’arrêté de 2022) n’oblige à mentionner la prestation de ce serment, qui ne peut intervenir qu’ « à l’issue de la soutenance et en cas d’admission » au doctorat, dans les procès-verbaux de soutenance, dans les rapports des jurys ou encore dans les diplômes de doctorat ; elle engage en conséquence, dès à présent, les Ecoles doctorales et les collègues, par mesure de précaution et pour maintenir strictement ce serment dans une dimension symbolique, à ne le mentionner en aucune manière dans aucun de ces actes.



Elle exige enfin la suppression pure et simple de ce serment et rappelle que la loi et des instances collégiales représentatives comme le CNU encadrent et protègent déjà l’intégrité de la pratique scientifique.







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